Evolution de l’environnement et facteurs d’émeregnce de la RSE au Maroc

RSE3Evolution de l’environnement et facteurs d’émeregnce de la RSE au Maroc

Omar BENAICHA, Président de l’Association Qualité & Management

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Pour résumer l’évolution de l’environnement externe de l’entreprise marocaine, nous pouvons classer les différentes évolutions et réformes en deux vagues, bien que nous soyons tentés d’en rajouter une troisième qui est en train d’arriver en ces temps de crise, une vague qui a accompagné l’ouverture de l’économie  post ajustement structurel (1992-2003) et une deuxième vague que le pays a initié pour s’adapter aux changements politiques et aux évolutions sociales et ce depuis 2004.

Ainsi la première vague a donné lieu à quatre conséquences qui ont irréversiblement changé le contexte dans lequel opère l’entreprise marocaine:

i.            Mise à niveau par les normes et le développement des ressources humaines : Il s’agit de véritables outils de mise à niveau prescris, voire financés, par nos partenaires européens en marge des négociations avec l’Union Européenne. L’accord de libre d’échange puis d’association exigeait la mise aux normes des entreprises marocaines et des produits marocains destinés au marché européen. En parallèle, le Maroc a initié la réforme de son système de formation initiale et de formation professionnelle. Des centaines d’écoles et de centres de formations professionnelles publics et privés ont été ouverts pour accompagner les besoins des différentes industries.

  1. Développements du marché Boursier : Bien qu’elle existe depuis 1929, la bourse de Casablanca n’a connu son vrai décollage qu’avec la réforme majeure de 1993, atteignant une capitalisation de plus de 500 milliards de Dhs dont 28% revient à des investisseurs étrangers. Le nombre des entreprises cotées atteint 77 entreprises[1]. Bien que ce nombre étant encore bas à cause de la structure des entreprises, la méconnaissance des mécanismes du marché ou encore la contrainte de transparence qui n’est pas aussi exigée en dehors du marché des capitaux, l’impact en terme de gouvernance et de transparence est visible au sein des entreprises cotées.
  1. Développement de la réglementation tout azimut : En l’espace de peu de temps, le Maroc a adopté un vaste train de réformes et de lois sociales, au premier chef desquelles un nouveau code du travail en 2003, remplaçant un dispositif vétuste hérité de la période du protectorat. Parmi les réformes, on peut citer aussi la signature des accords de “dialogue social” entre le gouvernement, les principales centrales syndicales et la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) le 30 avril 2003, le vote en juillet 2003 d’un nouveau Code du travail (loi n° 65-99), le vote en 2001 de la loi sur les accidents de travail (loi n° 18-01, révisée en juillet 2003), la réforme du système de santé avec l’adoption d’une loi portant code de la couverture médicale de base en 2002 (loi n° 65.00) ou encore création en 1999 d’institutions de prises en charge du “social” tels que la Fondation Mohammed V pour la Solidarité, le Fonds Hassan II ou l’Agence de Développement Social.
  1. Privatisations et Développement des IDE : Les quinze dernières années ont été marquées au Maroc par une intensification des efforts de libéralisation économique et de renforcement de la place du secteur privé dans l’économie nationale. Les jalons de la politique de désengagement de l’Etat ont été établis depuis 1989 avec la promulgation de la loi n° 39-89 autorisant le transfert d’entreprises publiques au secteur privé. Les opérations de privatisation ont effectivement commencé en 1993. Les objectifs du programme de privatisation sont divers et multiples: modernisation et ouverture de l’économie marocaine, amélioration des performances industrielles et financières des entreprises, multiplication des investissements créateurs d’emplois… La privatisation a entraîné une modernisation des techniques de production ainsi que des procédures de gestion des entreprises transférées au secteur privé. L’arrivé donc de ces actionnaires, majoritairement européens, dans ces entreprises privatisées a changé de façon radicale leurs modes de gestion tant en interne qu’en externe vis-à-vis des fournisseurs et des clients notamment. L’installation d’investisseur étrangers soucieux de suivre, à peu près, les mêmes règles sociales et environnementales que dans les pays d’origine a eu également un impact sur les entités locales et sur sa sphère d’influence.

Après cette première vague de réformes institutionnelles, légales et économiques, le Maroc a lancé une politique de grands chantiers et un plan de développement économique ambitieux basé sur la mise à niveau sociale, l’émergence industrielle et l’ancrage du Maroc dans son environnement géopolitique. Cette deuxième vague  a été caractérisée par les huit tendances suivantes :

1)      Renforcement de la régulation et réduction du rôle économique de l’Etat : L’échec des stratégies de développement fondées sur la prééminence de l’Etat a conduit à des crises d’endettement, voire à la faillite de certains pays ayant adopté la planification centralisée. Ces développements ont abouti à la mise en place de plans d’ajustement structurel et au passage à un système économique plus libéral fondé sur la réduction des déficits publics et sur des politiques de libéralisation. Au fil des années, l’Etat s’est désengagé progressivement de sa fonction d’aide et de suppléance des marchés. Cette évolution s’est accompagnée par la libéralisation d’une part des échanges commerciaux avec nos partenaires qui s’est traduite par la baisse des droits de douanes et par la diminution des ressources financières de l’Etat, et d’autre part, de la déréglementation des prix intérieurs qui a atténué considérablement les contraintes à l’activité économique. L’Etat, dans son nouveau rôle, veille à la sauvegarde des équilibres fondamentaux pour stimuler une croissance économique équilibrée. Pour ce faire Il doit mettre en œuvre des politiques structurelles de long terme (consolidation de l’Etat de droit, réforme fiscale, réforme du marché financier, libéralisation du commerce et diffusion des pratiques concurrentielles, création d’un cadre favorable à l’initiative privée,…) visant à créer les conditions d’une croissance forte et durable. Ce nouveau rôle induit pour les entreprises des opportunités de développement mais aussi des règles de conduite d’affaire strictes allant dans le sens de l’éthique, de la transparence et plus globalement de la responsabilité sociétale.

2)      Réformes politiques et Initiatives de développement humain : Le Maroc a engagé depuis le milieu des années 1990 un vaste programme de réformes sociales, dans le domaine de l’éducation, de la santé, des relations professionnelles et de l’emploi, du logement, de la protection sociale et de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. De grands efforts ont été consentis pour l’amélioration de l’accès des citoyens aux infrastructures de base, du taux d’alphabétisation et du taux de scolarisation des jeunes. A cet effet, de grands efforts affectant près de la moitié du budget national chaque année aux secteurs sociaux et consacrant aussi d’importants budgets pour le monde rural. L’initiative Nationale de développement humain s’inscrit au cœur de la stratégie mondiale présidant aux Objectifs du Millénaire pour le Développement, proclamés par les Nations Unies en septembre 2000. Par ailleurs, Les dix dernières années ont connu d’importantes réformes politiques visant le développement des libertés, des droits humains, de l’égalité sociale et de la citoyenneté. Le concept de régionalisation avancée a été promu et consacré par la constitution de 2011 comme un mode de gouvernance territoriale pouvant servir à réaliser, suivant une démarche intégrée, les objectifs de la stratégie de développement sociétale du pays. Plusieurs entreprises sont sollicitées dans le cadre de ces initiatives et participent de façon périodique au financement de projets à travers des fondations dédiées ou directement.

3)      Revendications sociales et sociétales : L’année 2011 a été marquée par « Le Printemps Arabe », évènement ayant profondément changé nos sociétés sur les plans politiques, économiques, géostratégiques, sociaux et sociétaux. Le Maroc a eu son propre printemps mais à sa manière, le pouvoir ayant réagi à temps aux revendications. Parmi les revendications qui touche directement l’entreprise, on retrouve entre autres la transparence dans les affaires, la lutte contre la corruption, le respect des droits humains, l’amélioration des conditions d’emploi et des relations professionnelles. L’entreprise est appelé à intégrer toutes ces dimensions et mieux maîtriser les risques sociaux et sociétaux. Le Maroc  a par ailleurs signé plusieurs traités de libres échanges qui intègrent ces obligations sociales et sociétales. Les revendications sociales aujourd’hui sont brutales et imprévisibles et l’entreprise a besoin de s’organiser autrement pour tenir compte des attentes de ses parties prenantes. Tout récemment, le rôle accru de la société civile, accentué et renforcé par le printemps arabe, a fait découvrir à plusieurs entreprises marocaines un devoir nouveau et ancien, celui de rendre compte à de nouvelles parties prenantes. A ce titre, les exemples de l’OCP ou de MANAGEM contraints à composer avec des revendications des populations vivant à proximité des sites miniers sont éloquents. Enfin, la pression de ces revendications poussent les donneurs d’ordre, par peur de transmission, à exiger des entreprises de se conformer aux exigences sociales. Une conformité qui devient un gage de confiance.

4)      Politique environnementale et développement durable : Le Maroc est connu pour son climat semi-aride, mais aussi de sa dépendance de son secteur agricole, qui pèse lourd dans son économie, il est aussi connu pour sa dépendance quasi-totale aux énergies fossiles ; C’est pourquoi le Maroc a toutes les raisons d’adopter une stratégie nationale de développement durable. C’est d’autant plus vrai que la dégradation de l’environnement coûte très cher (plus de 13 milliards de dirhams par an selon la Banque mondiale)[2] soit plus d’un point du PIB et nuit surtout aux catégories les plus vulnérables de la société. Elle, alors que le pays a besoin de tous ses atouts pour gagner la bataille engagée contre la pauvreté. Conscient de la situation, le Maroc a ratifié les principales conventions internationales sur l’environnement et engagé de nombreuses réformes institutionnelles et législatives depuis l’année 2000. Ainsi fussent promulguées plusieurs lois relatives à la protection de l’environnement et tout récemment une loi portant charte de développement durable a été adoptée, le gouvernement a lancé un chantier pour identifier un plan d’action précis par département ministériel pour décliner la stratégie nationale de développement durable et construire les fondements d’une économie verte capable de produire de nouveaux gisements de croissance[3]. Même si ces réalisations se heurtent à de multiples contraintes : difficulté de concilier environnement et développement, manque de coordination entre les différents intervenants concernés, absence de mesures et de moyens pour le suivi, le contrôle et l’application des lois. L’entreprise marocaine est interpellée par les autres parties prenantes qui assoient leurs exigences sur ces dispositifs adoptés par le gouvernement. Depuis quelques années, en effet, nous assistons à une demande accrue pour la mise en conformité environnementale des entreprises qui exportent ou travaillent pour des donneurs d’ordre, des entreprises qui bénéficient de financements internationaux, ou encore des entreprises cotés en bourse et qui s’internationalisent.

5)      Nouveaux modes de consommation et montée des mouvements de consommateurs : Depuis l’indépendance, la population marocaine a connu une réelle mutation démographique et sociale, tant sur le nombre d’habitants qui n’a pas cessé d’augmenter, que sur la structure (on prévoit à l’horizon 2015 une population de 34 millions de personnes avec une tranche d’âge entre 24 et 60 ans de 39% et un taux d’urbanisation de 60%)[4].
Parallèlement à cette mutation, et grâce à la politique sociale et économique lancée par le gouvernement visant à promouvoir l’économie nationale et à améliorer le pouvoir d’achat du consommateur marocain, les habitudes de consommation ont subi (et subiront) elles aussi des changements majeurs. Les modalités de décision et de choix du consommateur ont évolués et nous constatons déjà des préoccupations sociales, éthiques parfois environnementales dans les critères de décision de certains groupes de consommateurs. Par ailleurs, les organisations de protection des consommateurs se multiplient et ce mouvement se structure en force depuis l’adoption de la loi sur la protection des consommateurs (loi 31-08 adoptée en 2011). Certes dictée par les accords avec l’Europe, ce nouveau cadre légal et réglementaire crée de nouveaux défis pour les entreprises marocaines en leurs imposant de nouvelles exigences en termes de communication et de transparence sur les produits soumis à la consommation, exigences accompagnés également de sanctions dont l’objectif est de responsabiliser les entreprises et accroitre leur vigilance.

6)      Evolution et exigences du marché financier : Le Maroc a entrepris la réforme de son marché financier sur au moins quatre volets, d’abord la réforme du secteur financier qui s’est traduite entre autres par l’amélioration de la bancarisation (développement de services financiers adaptés à certaines franges de la population, développement du microcrédit), ensuite la facilitation de l’accès des PME au financement par la mise en œuvre des mécanismes de garantie, ensuite le développement de mécanismes de financement tels que la titrisation,.. et enfin la régulation des marchés des capitaux par la création d’autorités des marchés de capitaux, de contrôle des assurances,…… Le Maroc affiche une volonté réelle de développer l’efficience, l’efficacité et la transparence du marché de capitaux au profit de l’investissement. Pour bénéficier de ces atouts, l’entreprise marocaine doit de son côté améliorer son mode de gouvernance et afficher plus de transparence et d’ouverture et en assumant sa responsabilité en tant qu’acteur économique redevable à ces acteurs qui dont l’existence dépend, également, d’une entreprise engagé qui les sollicite. Le Maroc sollicite de plus en plus les bailleurs de fonds et ses partenaires financiers dans le cadre de mécanismes, comme le Millenium challenge Account[5], sont d’ailleurs très sensibles et exigeant en matière de respect des normes sociales et environnementales. Les mécanismes de gouvernance de ces financements couvrent plusieurs aspects de la RSE s’inspirant de principes retenus dans des initiatives telles que le Pacte Mondial[6].

7)      Développement des moyens de communication : Le monde actuel devient de plus en plus homogène sous l’effet de la globalisation des économies et de la révolution numérique des techniques de mise en relation. Nous tendons vers un monde plat ou les marchés clos et confortables relève du passé[7]. L’accès à l’information se trouve facilité par les moyens de communication dont disposent les entreprises, une opportunité identifiée fait rapidement le tour du monde et l’entreprise doit être encore plus rapide pour la saisir que par le passé. Par ailleurs toute difficulté ou mauvais comportement d’une entreprise donnée est rapidement porté à la connaissance de toutes les parties prenantes.

8)      Soutien à aux PME et à l’export face au développement des ALE : L’ouverture du marché marocaine à ses partenaires dans le cadre d’accords d’association ou de libre échanges a créé des tensions pour les entreprises marocaines et notamment les PME, ces tensions sont ressentis à deux niveaux, d’une part l’arrivée sur le marché de produits concurrents souvent de qualité supérieure et d’autre part la pression du gouvernement pour développer l’export en vue de faire face à l’effondrement de la balance commerciale. Ces tensions ont été anticipées par la mise en œuvre depuis près d’une décennie d’une batterie de programmes d’appui couvrant la majorité des problématiques de gestion. Portés en majorité par l’Agence nationale pour la promotion de la petite et moyenne entreprise (ANPME), ces programmes s’inscrivent dans le cadre de la mise en œuvre des différentes stratégies sectorielles du Maroc, dans leur volet relatif à la modernisation des PME (Pacte national pour l’émergence industrielle, Maroc Numeric 2013, Rawaj, Maroc Innovation, etc.), et ce à travers une approche d’intervention fondée sur des programmes d’appui différenciés selon le niveau de compétitivité des entreprises ; tout récemment des contrat à l’export sont proposés aux entreprises pour les assister à améliorer leur offre exportable. D’autres programmes d’appui ciblent des aspects environnementaux ou sociaux et sont portés par des agences ou bailleurs de fonds internationaux sollicités par le gouvernement. Ces mécanismes de soutien sont offerts aux entreprises en contrepartie d’une transparence et d’une conformité fiscale et comptable assujettie à une évaluation pour statuer sur l’éligibilité de l’entreprise.

Le Maroc a le privilège d’être situé géographiquement au carrefour de l’Europe, de l’Afrique et du Monde arabe. Son taux de croissance économique, ceux de l’investissement et de l’épargne sont révélateurs d’une économie en développement.  Même si,  sur  la  période  2007-2011,  le  taux  de  croissance du PIB a été de 4,3%, avec un taux de chômage contenu à moins de 10%[8], Il reste que cette croissance s’accompagne de distorsions économiques et sociales. L’Etat marocain est soumis à une double contrainte : celle de la concurrence fiscale d’autres États (qui influe sur la décision d’investissement des entreprises étrangères au Maroc), et celle d’une dépense publique (éducation, santé, sécurité sociale, retraites, équipements) de plus en plus importante.

L’entreprise marocaine a expérimenté depuis 20 ans la mise en œuvre de différentes pratiques de gestion par choix et par contrainte, ces pratiques visant la mise à niveau n’a pas manqué de façonner les modes de management des entreprises. Celles-ci, dont le rôle économique et sociale est indéniable, mettent en œuvre des interactions entre elle-même et la société du fait qu’elles agissent dans un environnement à la fois social, politique et écologique, et doivent donc assumer un ensemble de responsabilités au-delà de leurs obligations purement légales et économiques (Carroll, 1999 ; Wartick et Cochran, 1985).  Parmi les pratiques adoptées, nous pouvons citer les systèmes de mangement basés sur des normes internationales, mis en œuvre dans plus de 1000 entreprises marocaines[9] , ces pratiques ont introduit un nouveau concept de la gestion basé sur  un processus intégré de prise de décision, ceci a notamment permis de mettre en œuvre des cadres holistiques qui peuvent aider les managers à prendre des décisions pour les organisations et englobant les différents champs de la gestion, visant à atteindre la meilleure performance de l’entreprise (Bou-Llusar et al., 2006).  Depuis l’année 2006 (date d’adoption de la charte de responsabilité sociale de la CGEM), de nouvelles pratiques ont fait leur apparition dans le sillage du contexte décris ci-dessus.

Mise à part le nombre de certificats délivrés aux entreprises, nous ne disposons pas d’évaluation de ces pratiques. En matière de RSE les premières évaluations au Maroc sont faites depuis 2006 sur la base d’une démarche de labélisation conformément à la charte de la CGEM. Cette charte renvoie à des principes de responsabilité sociale et couvre des domaines tels que le respect des droits humains, l’amélioration des conditions d’emploi et de travail et les relations professionnelles, la protection de l’environnement, la prévention de la corruption, le respect des règles de la saine concurrence, le renforcement de la transparence du gouvernement d’entreprise, le respect des intérêts des clients et des consommateurs, la promotion de la responsabilité sociale des fournisseurs et sous-traitants ainsi que le développement de l’engagement sociétal (charte de la RSE de la CGEM)[10].

Aujourd’hui une quarantaine d’entreprises, dont une partie des petites et moyennes entreprises, sont labellisés et la commission label de la CGEM multiplie les efforts pour faire adhérer de nouvelles entreprises. Force est de constater que ces labélisations restent perçues comme l’apanage des grandes entreprises et des filiales des multinationales. Au niveau financier, l’état de santé de la bourse ne plaide pas encore pour l’émergence de fonds éthiques ou similaires représentants des investisseurs exigeant en matière de performance sociétale des entreprises cotées. Toutefois le souhait d’attirer des fonds d’investissement étrangers vers la place casablancaise ne tardera pas à donner lieu à l’émergence de notation sociale nécessaire à la prise de décision en matière d’investissement. En attendant l’agence VIGEO a procédé à la notation d’une quarantaine d’entreprises cotées à la bourse de Casablanca sur la base de 7 domaines, trente-huit critères et 250 indicateurs ; selon les responsables de cette agence « Ces notations sont destinées à plus d’une centaine d’investisseurs et de gérants d’actifs internationaux, clients de Vigeo[11].

Le Maroc participe par ailleurs au projet pilote ISO/MENA  Afrique du Nord de promotion de la norme ISO26000 qui vise à renforcer les capacités des pays en voie de développement pour la promotion et l’application de cette norme[12], quatre experts marocains participent à ce projet pilote qui concerne quatre entreprises marocaines dont deux PME. Un chiffre qui reste décevant face à l’ampleur que prend le discours sur la RSE.


[5] Programme du gouvernement Américain auquel le Maroc a été éligible et porté par l’Agence de Partenariat pour le progrès et doté de plus de 7 milliards de DHS de fond qui arrive à échéance en septembre prochain

[6] Initiative personnelle du Secrétaire Général de l’ONU visant à promouvoir le développement social dans les pays en développement

[7], LA terre est plate. Une brève histoire du 21eme siecle, Farrar, Straus & Giroux, 2005 et 2006, editions saint-Simon : traduction du livre de Thomas Freidman « The world is flat. A brief history of the twenty first Century »

[8] Selon les données 2012 des Comptes Nationaux du Haut-commissariat au Plan (HCP)

[9] L’IMANOR qui tient les statistiques officielles ne reçoit pas toutes les déclarations des organismes certificateurs. L’association des Certificateurs du Maroc a compilé environ 1500 certificats délivrés aux entreprises marocaines à fin 2012.

Les pratiques RSE des entreprises au Maroc : Aller au-delà de la RSE cosmétique

En passant

RSE teamLes pratiques RSE des entreprises au Maroc : Aller au-delà de la  RSE cosmétique

Omar Benaicha, Président de l’Association Qualité & Management.

 

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Le concept de RSE est parfois invoqué sans se référer au contexte local. On oublie souvent, par exemple, le rôle déterminant de l’église protestante dans les années 50 aux Etats Unis dans la mise en projet de la première production scientifique de référence en matière de RSE.

OB: Il y a, en effet, un courant qui prône la contextualisation de la RSE. Les principes d’individualisme et de communautarisme qui fondent l’esprit protestant étaient à la base de l’éclosion et de la structuration du débat durant les années 50 aux Etats Unis. D’ailleurs, l’ouvrage fondateur d’Howard Bowen «Social Responsibilities of the Businessman» paru en 1953 était une commande de l’église protestante (Voir article aux origines de la pensée RSE, p 18).

A mon sens, il est impératif que le contenu local soit relayé dans l’analyse de la pensée RSE de chaque pays. C’est d’ailleurs l’un des déterminants de l’implémentation d’une politique RSE au sein des entreprises.

Dans la réalité des entreprises au Maroc, la RSE a un aspect mutliforme …

OB: Cette situation n’est pas étonnante, le concept de la RSE étant lui-même protéiforme. Le cas exterme peut etre l’exemple de ce chef d’entreprise qui paie pas correctement les cotisations sociales pour ses salariés mais se fait un point d’honneur, toutefois, d’envoyer quelques uns d’entre eux au pèlerinage ou/et distribue des primes lors des fêtes religieuses. Nous ne sommes pas à un paradoxe près.

Parmi les différentes théories développées autour du concept de la RSE, quelle est celle qui vous semble la plus cohérente avec la réalité managériale?

Je suis un partisan de la théorie de Carroll[1] améliorée qui distingue quatre dimensions de la RSE : économique, c’est là où cette approche rejoint un peu l’école classique avec une mise en orbite de l’importance de créer du profit. La deuxième dimension est légale, il faut être dans la légalité et respecter la loi. Puis la dimension éthique et enfin la dimension philanthropique (NDLR : discrétionnaire). La matrice de Carrol ne se présente pas comme une hiérarchie catégorielle. Dès lors, l’entreprise est tenue d’opérer un dosage entre les quatre dimensions.

Nous constatons au Maroc qu’il y a une concentration des efforts des entreprises sur le niveau philanthropique : les uns se dirigent vers des fondations, les autres vers des actions citoyennes alors que la dimension légale et parfois même économiques ne sont pas suffisamment appuyées.

L’idée est de Carroll est que l’entreprise doit être économiquement responsable. Pour simplifier, imaginons une entreprise qui  est en mesure de réaliser  20% de bénéfice alors qu’elle n’en fournit que 11 ou 12%, elle n’assume pas pelinement sa responsabilité économique.

C’est un dysfonctionnement qui peut toucher sa chaine de valeur et d’approvisionnement et se répercute sur toutes les parties prenantes en termes de coût de transaction et d’opportunité.

Quelle dialectique entre la RSE et le développement durable ?

OB: Le développement durable est  un concept global qui s’applique à l’échelle  planétaire et  peut se décliner au niveau des territoires ou des nations. Mais quand on descend au niveau de l’entreprise, le concept de  développement durable peut être difficilement compris ou assimilé. La RSE est donc le champ ou s’opère la contribution de  l’entreprise participe au développement durable. En fait, le meilleur concept qui permet à l’entreprise à se développer c’est d’exercer  ses activités d’une manière responsable.

Même au niveau cognitif, elle est plus en phase avec l’approche entrepreneuriale que la durabilité. Quand un entrepreneur veut lancer une affaire, il fait un business plan sur 4 à 5 ans, et prévoit toujours la sortie à un horizon précis. Par principe, il ne parle pas de durabilité, l’entrepreneur est un opportuniste. Par contre, s’il fait cela d’une manière responsable, il transmet son entreprise qui  indépendamment de lui, acquiert les condfitions de durabilité.

 La théorie de la valeur partagée de Michel Porter a mis en porte à faux l’école classique…

OB: La nouvelle théorie de Michel Porter de la valeur partagée (shared value) est très instructive à cet égard. Lorsqu’un entrepreneur veut créer de la valeur exclusivement pour lui, il met en perspective ses propres objectifs et ses attentes. Lorsqu’il planifie, en revanche, la création d’une valeur ajoutée partagée, il est obligé de visualiser les attentes des autres parties prenantes et donc, d’adapter ses moyens par rapport à leurs attentes.

 Il y a une série de réactions assez fréquentes face à la RSE. Des entreprises adoptent parfois des démarches par mimétisme, d’autres sous l’effet d’une pression. Comment expliquer ces situations ?

 

OB:  Di Maggio et Powell ont développé, en 1983, le concept d’isomorphisme institutionnel[1], ils ont clairement explicité ce genre d’attitude par les organisations. En clair, ces auteurs ont analysé la convergence de comportements entre des organisations. Les auteurs distinguent entre trois niveaux d’isomorphisme : normatif, mimétique et coercitif. A mon sens, ce phénomène d’isomorphisme institutionnel est largement observé dans l’adoption ou non d’une politique RSE auprès des entreprises au Maroc. Si on prend les cimentiers par exemple, ils sont certes concurrents au niveau du busness mais adoptent, à peu de choses près, la même approche RSE. Il y a comme une certaine dynamique sectorielle qui donne un continuum à la RSE.

En matière d’isomorphisme mimétique, la tendance est assez prononcée au Maroc.  On fait souvent dans la cosmétique, ou dans le mimétisme en copiant ce que les autres font.


[1] Le concept d’isomorphisme institutionnel apparaît dans un article publié par l’American Sociological Review en Avril 1983, The Iron Cage Revisited: Institutional Isomorphism and Collective Rationality in Irganizational Fields. Le terme isomorphisme est emprunté aux mathématiques et à la chimie.

L’isomorphisme coercitif, en revanche, ne laisse pas de choix à l’acteur. Les entreprises marocaines travaillant pour les donneurs d’ordre (DO) internationaux se voient obligés de se plier à des exigences de RSE. La preuve de conformité est souvent recherchée par le biais d’audits sociaux commandés par ces DO ou par des obligations de certification.

L’isomorphisme normatif pousse, en revanche, à l’adoption des référentiels et des normes. Les entreprises les plus « smart » sont celles qui arrivent à inscrire leur stratégie dans l’une ou l’autre case. Elles ne sont pas nombreuses, mais existent bel et bien.

Sous quel prisme peut-on analyser l’implémentation d’une politique RSE ? Y a-t-il des déterminants de la prise de décision ?

 

OB: Les théoriciens de la RSE ont défini trois rapports de force dans la RSE : les rapports de légitimité, de pouvoir, et de réaction-urgence.

Quand Une entreprise mondiale du secteur alimentaire est accusée de contribuer à l’obésité des enfants aux Etats-Unis, elle orchestre une compagne de communication autour de ses produits sans sucre et légers. Cette entreprise empruntera une démarche de légitimation de son action en finançant, par ailleurs, des médicaments de lutte contre l’obésité.

Le deuxième type de rapport de force est relatif au pouvoir. On le voit plus à l’œuvre vis à vis de certaines parties prenantes de type Etat ou syndicats. Celles-ci, bénéficiant à un moment d’un pouvoir sur l’entreprise, en usent pour l’obliger à lâcher du  lest.

La même chose se passe avec  l’Etat, qui impose une réglementation et lie sa mise en œuvre à la préservation d’une licence ou droit d’excercer.

Précisons toutefois que des entreprises réussissent à transformer ces contraintes en  opportunités pour construire de la réputation sur un rapport qu’ils ont dû subir.

Enfin, le rapport de réaction-urgence rappelle d’une manière emblématique les démarches de grandes entreprises marocaines après les contestations de février 2011.

Finalement, le seul mot dans la RSE sur lequel il n y’a pas un consensus total, c’est le  mot responsabilité ?

OB: Cela peut se comprendre comme l’acte 1 de la responsabilité dans la vie de l’entreprise contrairement aux supposées pratiques d ‘irresponsabilité antérieures. Le mot « accountability » en anglais me parait plus juste. La version française de ce mot ne résonne pas assez : au Canada, on parle d’imputabilité et en France de redevabilité.

Quand un patron est interpellé sur l’obligation de rendre des comptes, pas seulement aux actionnaires mais aussi parties prenantes, cela a plus de sens. Mais poser la question de responsabilité  renvoie d’emblée à une question de fond.

Le global report initiative (GRI) est perçu souvent comme un luxe. De très rares entreprises marocaines y souscrivent. Pourquoi à votre avis ? 

OB: Je pense que le GRI est quelque chose d’extraordinaire. Les entreprises marocaines, les plus grandes d’entre elles, passent à côté de quelque chose qui peut leur rendre service au Maroc et à l’international. Le GRI est une initiative volontaire de reporting, sur une plateforme qui fixe par ailleurs les procédures et normes de reporting. La publication se fait donc, d’une manière volontaire mais avec ceci de particulier : l’information publiée est publique, créant  un immense réservoir d’information utile pour réaliser desbenchmark  par secteur, par pays… En Afrique, le pays qui s’installe en tête de liste est l’Afrique du Sud. En fait, l’ensemble des publications d’un pays est en soi un indicateur pertinent sur le climat des affaires. Il ne s’agit donc pas d’une certification, il s’agit d’une déclaration volontaire sur ce que l’entreprise réalise et les indicateurs qu’elle génère dans le cadre de ses réalisations en matière de RSE. Cela va sans dire que la consolidation de tous les reporting d’un pays donné reflète aussi l’ancrage des politiques de développement durable au niveau du dit pays.

La communication est une composante essentielle en matière de RSE, que l’on soit en GRI ou en Iso 26000 ? Y a-t-il des précautions à ce niveau ?

OB: Ce qui est fondamental dans la communication sur la RSE, c’est la cohérence avec le métier de l’entreprise. Il faut arriver à visualiser ce que présente l’entreprise comme contribution. Une compagnie d’assurance qui communique sur ce qu’elle fait en matière d’écoles et de centres sanitaires, c’est bien, mais cette communication est souvent diluée. A moins qu’elle dispose de projets suffisamment structurants en termes de  taille et de méthodologie. Or,  il y a un gisement colossal inexploitable pour les compagnies d’assurances : les accidents de la route avec à la clé, un financement de programmes de sécurité routière par exemple, ou encore la contribution à la prévention des risques professionnels et industriels. Des contributions facilement chiffrables et qui se positionne au cœur de l’exercice de la RSE. Je reviens toujours au modèle de Carroll…

Un des grands hommes d’affaires au Maroc définit la RSE comme le devoir de réaliser des actions et des projets d’intérêt général au profit des concitoyens…

OB: Je suis tout à fait d’accord avec cette vision. Je suis totalement acquis à cette idée, sauf qu’on doit préciser de quel concitoyen on parle : le salarié de l’entreprise est à mon sens le premier concitoyen auquel il faut prêter une attention particulière. Si les entreprises aujourd’hui font beaucoup d’actions à l’extérieur, alors qu’ils répriment à l’intérieur les droits de leurs salariés, il ne me semble pas pertinent que l’option de responsabilité revendiquée répond à l’esprit de  la littérature sur la RSE. Quand une grève éclate et que l’entreprise met en perspective des actions citoyennes à l’extérieur de ses murs, ce n’est pas très crédible.

Le problème de nos entreprises c’est qu’elles privilégient l’impact médiatique. Prioritairement, une entreprise a la responsabilité d’améliorer son bottom line, les conditions sociales de ses salariés, le traitement de ses fournisseurs et la valorisation de ses clients. Prenons l’exemple d’un fournisseur dans une chaine d’approvisionnement. Lorsque l’entreprise faillit à son devoir de payer le fournisseur à temps, alors qu’il a rendu la fourniture ou le service comme l’entreprise l’avait stipulé, il y a clairement une défaillance dans la chaîne de responsabilités de l’entreprise.

Si on doit prioriser, quel schéma peut-on établir ?

OB: Je suis une entreprise industrielle de premier plan, de par mes activités je rejete des polluants et je finance un jardin public dans le cadre de la politique des espaces verts. Il y a un sens. Mais les référentiels de mise en œuvre de la RSE, comme l’ISO 26000 suggère vivement l’identification, au sein de la sphère d’influence de l’entreprise, des parties prenantes pertinentes comme première démarche. Ensuite, il faut dialoguer avec ces parties. L’entrepise se tourne  alors vers ces parties prenantes avec le message suivant : j’ai un du devoir envers vous, qu’est ce que vous attendez de moi ? La bonne démarche c’est ça. Il faut dialoguer, et à partir du dialogue, l’entreprise identifie les attentes puis les priorise. En définitive, dans l’esprit de la valeur ajoutée partagée, l’entreprise utilisera les revenus générés par ses activités et le capital investit par ses actionnaires, pour produire de la valeur aux autres parties prenantes qu’elle a choisies à condition que ce partage augmente la valeur future crée et maintient un  partage équitable et durable.


[1] A Three-Dimensional Conceptual Model of Corporate Performance, Archie B. Carroll. Academy of management review. 1979. Vol4. P 497- 505.

[2] Le concept d’isomorphisme institutionnel apparaît dans un article publié par l’American Sociological Review en Avril 1983, The Iron Cage Revisited: Institutional Isomorphism and Collective Rationality in Irganizational Fields. Le terme isomorphisme est emprunté aux mathématiques et à la chimie.

Sécurité dans le secteur de la construction : des bénéfices, des coûts et des contraintes !

Le secteur de la construction, bâtiment et travaux publics, est l’un des plus importants de notre activité économique. Ce secteur compte pour 6.2% du produit intérieur brut.  En 2010, et selon les données disponibles du Ministère de l’habitat et de l’Urbanisme, le secteur  a contribué à hauteur de 47,1 Milliards de dirhams.

Les salariés du BTP, qui représentant 10% de la population active âgée de plus de 16 ans, sont, plus que les autres, exposés à des risques élevés d’accidents du travail ou de maladies professionnelles.

En France et malgré les avancées de taille en matière de réglementation et de prévention des risques professionnels, le secteur du bâtiment et des travaux publics concentre près de 9 % des salariés du régime général. Il représente à lui seul environ 18 % des accidents avec arrêt de travail et près de 30 % des décès.

Si la prévention a permis de diviser par 3 le nombre d’accidents mortels au cours des 30 dernières années en France par exemple, au Maroc le secteur de la construction est l’un des plus importants de notre activité économique mais, avec une grande part d’accidents de travail (à Casa en 2007, 48 accidents causant une invalidité permanente / morts sur les chantiers de la ville). Un constat qui mérite une analyse spécifique et impose une intensification des efforts de prévention.

L’approche en la matière doit être bien étudiée pour tenir compte de la spécificité de l’acte de construire à la fois pour maitriser la sécurité des actifs construits et la sécurité des activités de chantier. En effet, Chaque ouvrage est un produit unique, plus proche du prototype que du produit de série et les entreprises doivent être capables d’adapter rapidement leur système de production aux résultats des appels d’offres, savoir gérer les nombreux aléas liés à la programmation des maîtres d’ouvrage, à des contraintes de délais, d’espace et d’aléas de toute nature, à des choix architecturaux toujours différents ainsi qu’à des conditions climatiques, géologiques et environnementales très variables, à la diversité et complexité des intervenants et des techniques avec des intérêts divergents, des contraintes d’interfaces multiples,..Voire des facteurs socio-économiques déterminants,… Sur ce dernier point il suffit de rappeler que les ouvriers du secteur sont en majorité des gens des zones rurales sans instruction de base !

Sur un autre registre, signalons l’inexistence d’un code de la construction, à qui même un séisme de la taille de celui d’Al-Hoceima n’a pas pu donner vie, une couverture normative et réglementaire très fragmentaire (est il normal que l’ensemble du référentiel applicable est laissé à l’appréciation des ingénieurs ? Référentiel en l’occurrence français qui n’est pas toujours correctement appliqué !), une normalisation limitée des matériaux de construction, une qualification des entreprises et de leurs ressources humaines inexistante, à part dans les travaux publics, un mode de contrôle laissé aux agents de l’autorité et de l’administration dont des pratiques peu orthodoxes vient à bout de son efficacité….etc.

Si le Maroc a réalisé des avancées majeurs dans le domaine des travaux publics, tout reste à faire dans le domaine du bâtiment et ce tout au long de son cycle de vie. J’ai suivi les débats sur le contrat programme du secteur des assurances et autant je me réjouis de la décision de rendre obligatoire les assurances habitation, responsabilité civile décennale et l’assurance relative aux établissements recevant du public, autant je déplore cette façon à nous de mettre la charrue avant les bœufs !

Des assurances obligatoires seraient, indéniablement, un moyen de pression sur les intervenants mais la prévention doit d’abord reposer sur :

  • la concertation et la coordination en amont des parties prenantes : aménageur, maître d’ouvrage, maître d’œuvre, coordonnateur sécurité, pilote OPC (ordonnancement/planification/coordination), bureau d’études, bureau de contrôle, entrepreneurs, concessionnaires des réseaux et infrastructures…
  • l’organisation des chantiers et des activités réelles,
  • l’adoption de bonnes pratiques,
  • le respect des différentes réglementations applicables.

L’Institut National de recherche en sécurité, qui a édité plusieurs publications et guides en matière de sécurité dans la construction, définit un socle de bonnes pratiques à adopter sur un chantier de BTP

  • Gestion rigoureuse du projet de construction par une planification réaliste des travaux et mise en œuvre des moyens appropriés
  • Intégration des principes généraux de prévention et des obligations légales de sécurité par tous les acteurs dans toutes ses phases (programme, conception, définition des méthodes, réalisation, réception)
  • Évaluation des risques spécifiques au projet de construction
  • Désignation par le maître d’ouvrage d’un coordonnateur compétent pour les chantiers concernés et doté des moyens et de l’autorité nécessaires à l’exercice de sa mission
  • Coopération du maître d’ouvrage, du maître d’œuvre et des entrepreneurs

Il est de notre responsabilité en tant qu’acteurs du secteur de la construction de s’attaquer, à mon sens, au moins aux quatre priorités ci après :

–          Construire un cadre réglementaire définissant de façon claire les référentiels, les règles de conception et de réalisation des ouvrages de bâtiment y compris les règles relatives à la santé et à la sécurité sur les chantiers

–          Mettre à jour le droit de la responsabilité en la matière et départager clairement les responsabilités des uns et des autres

–          Mettre à niveau à travers une stratégie de réglementation et/ou de normalisation intégrée l’ensemble des éléments de la chaine de valeur du secteur de la construction en suivant le cycle de vie.

–          Mettre en œuvre progressivement par la sensibilisation, la formation, la qualification, le contrôle.

En attendant et malgré ces difficultés sus mentionnées, chaque maitre d’ouvrage et maitre d’œuvre doit œuvrer à maîtriser les risques des activités de construction en ce qui concerne, au minimum, la conformité des installations et de l’organisation aux textes réglementaires applicables déjà existants et parfois méconnus ; il en tirera dans l’immédiat 3 principaux bénéfices : la réduction des accidents du travail et la minimisation des impacts environnementaux, sous contrainte économique, l’obtention au jour J des diverses autorisations requises, la minimisation du risque pénal des dirigeants de chantiers et de projets.

Un challenge d’autant important lorsque l’on sait que tout le monde n’est pas soumis aux mêmes exigences (dépend des donneurs d’ordre) et qu’il faut composer avec un vide juridique, créant un flou sur les limites de responsabilité. Enfin la pression sur les prix conduit au sacrifice des couts dédiés à la formation et à l’équipement sécurité…

Dans le cadre d’une démarche de responsabilité sociale recherchant à obtenir la confiance des parties intéressées, il est clair que ceux qui franchissent le pas sont conscients que leur démarche leur donne la capacité à opposer des preuves de « bonne foi » en cas de litiges de tiers, que leur démarche repose sur l’engagement démontré au personnel, aux actionnaires, aux riverains, aux clients…et puis aussi qu’en retour cela leur procure la possibilité de limiter l’engagement de responsabilité et les coûts associés à chaque accident ou incident.

 

Des donneurs d’ordre nationaux ont déjà érigé comme priorité la maitrise des risques sur les chantiers. Leurs bonnes pratiques ont permis l’émergence d’un savoir faire national en la matière, le développement d’offres de formation dédiées et la création de plusieurs emplois dans ce domaine, nous tenons à leur rendre hommage. Ce Dispositif, qu’ils ont mis en place, a ainsi permis à des dizaines de PME d’intégrer et de mettre en œuvre les principes de Santé et de Sécurité au Travail dans leur management. Leur parcours, leurs expériences et leurs témoignages sont autant d’exemples qui peuvent être adaptés à vos entreprises. Venez à leur rencontre au SECUBAT et participez à l’effort collectif pour hausser le niveau de la santé et de la sécurité dans nos projets de construction.

 

Omar BENAICHA

Transport maritime et développement durable : Une conciliation inévitable

Des navires de tous types assurent le transport d’environ 90 % des marchandises produites et consommées sur notre planète : pétroliers, porte-conteneurs, vraquiers, cargos polyvalents, navires spécialisés (transport de colis lourds, de voitures, porte barges), sans oublier des car-ferries et des navires de croisière…Ainsi, plus de six milliards de tonnes, un chiffre qui a pratiquement explosé depuis 2003, de marchandises sont transportées tous les ans par voie maritime et 43 millions de barils, sur une demande quotidienne d’environ 80 millions, font l’objet chaque jour d’échanges internationaux par voie maritime.  La mer tient, ainsi, une place prépondérante dans la globalisation. En cela, notre période s’inscrit dans une continuité, un mouvement de globalisation qui prend sa source dans la période des empires anciens et ne fait que se poursuivre de nos jours.

Cette activité cruciale pour le commerce mondial assure des revenus pour les pays producteurs de matières premières et produits manufacturés et approvisionne les pays consommateurs de ces mêmes matières et produits. Des impacts socio-économiques évidents mais aussi des impacts environnementaux qui ne peuvent pas passer inaperçus. Il est vrai, et ce contrairement à ce que l’on peut penser, que la pollution maritime n’est pas le seul fait de cette flotte colossale qui sillonnent les mers et autres voies navigables. En effet, 77 % de la pollution maritime est d’origine terrestre : rejets d’eaux souillées dans les rivières, émissions atmosphériques de l’industrie qui se retrouvent, à travers les précipitations, dans le milieu marin (3 millions de tonnes d’hydrocarbures se répandent annuellement dans les mers). Les Nations Unies estiment la part du transport maritime à moins de 10 % de la pollution maritime globale.

Toutefois les catastrophes maritimes et les déversements, notamment des hydrocarbures, qui s’en suivent continuent à coller à ce secteur une image de grand pollueur. En effet, les hydrocarbures rejetés dans les océans dans le cadre de naufrages ou de dégazage provoquent des pollutions graves des mers et océans, responsables de catastrophes environnementales. Les nombreuses marées noires provoquées par des naufrages de pétroliers ont eu des répercussions graves sur la faune et la flore marine et côtière. L’Organisation Maritime Mondiale (OMI) a réagi à chaque fois en renforçant d’avantage la réglementation régissant la construction des navires et celle relative à leur exploitation. Aujourd’hui, la plus part des pollutions accidentelles sont le fait d’erreurs humaines, les critères et les règles de qualification des marins et de gestion des opérations à bord des navires sont au centre de l’intérêt de l’OMI qui ne cesse de les renforcer.

Sur le plan de la pollution atmosphérique, le transport maritime est l’un des modes les moins polluants. Il est même moins polluant que le transport maritime comme le montre le graphique de l’OCDE ci après :

Sur un autre plan, celui de l’efficience économique de ce mode de transport, le transport maritime est celui qui consomme le moins de carburant. En le comparant au transport ferroviaire et au transport routier, force est de constater que le transport maritime permet de transporter une tonne de marchandises beaucoup plus loin par litre de carburant consommé. La conception de la coque d’un navire fait que l’efficacité est d’ailleurs d’autant plus grande quand un navire est chargé à pleine capacité.

De plus, l’économie de carburant est aussi un élément clé du rendement avantageux du transport maritime sur le plan des émissions de gaz à effet de serre. Alors que nous sommes confrontés au défi de réduire notre bilan carbone et d’abaisser chaque année la quantité de gaz à effet de serre émis, le mode maritime offre une occasion unique grâce à son économie de carburant supérieure.

Malgré ces performances, les industriels du secteur, constructeurs et armateurs, ont cherché, depuis 15 ans, à réduire d’avantage l’impact environnemental du transport maritime tout en améliorant son coût économique. Ainsi, les industriels du secteur sont déterminés à réduire les émissions de CO2 par tonne transportée de 15 à 20 % entre 2012 et 2025 grâce à une combinaison d’améliorations technologiques et opérationnelles : navires plus grands, réduction de la vitesse des navires, amélioration technique dans la conception des navires (coque, moteur, hélice, récupération d’énergie), recours à des sources alternatives (gaz naturel liquéfié et biocarburants).

En parallèle avec ces efforts, des discussions sont particulièrement actives dans le contexte des conférences des Nations Unies sur le changement climatique (Copenhague, Durban,…) et qui cherchent à définir un nouveau système post-protocole de Kyoto. Dernièrement, l’OMI est parvenu au vote en faveur de la mise en place d’instruments de mesure incitatifs à la réduction des émissions de CO2 à savoir « l’index d’efficacité énergétique des navires neufs », un indice comparable à celui qui existe pour mesurer les émissions des automobiles ou encore le « Ship Energy Efficiency Management Plan » permettant une réduction de consommation des carburants (par exemple, meilleure gestion de la vitesse, routage météo)

Enfin, la mise en place d’un instrument de marché dont les caractéristiques seraient appliquées mondialement au transport maritime devrait encourager la réduction des émissions de CO2. Cela peut consister en un système de droits d’émissions (ETS) tel que cela existe actuellement pour les industries terrestres sous forme de « taxe carbone ». Ces instruments doivent permettre de constituer un fonds international destiné à réduire les émissions de CO2 (recherche technique et environnementale et soutien aux pays émergents).

Nous ne terminerons pas cette revue sans parler d’un autre maillon clé du transport maritime à savoir le maillon portuaire. De plus en plus de ports évaluent l’empreinte carbone du passage portuaire dans leurs installations, un état zéro qui leur permet d’évaluer l’efficacité environnementale des actions d’amélioration menées par les différents acteurs du passage portuaire (gestionnaires portuaires, armateurs, manutentionnaires, pilotage, remorquage, lamanage).  Des ports comme Marseille, Fos, Valence, Algésiras, Livourne, Koper, l ou encore le Pirée, sont très engagés dans cette démarche. Le port de Tanger Med leur emboitera certainement le pas non seulement pour les raisons environnementales sus mentionnées mais aussi pour maintenir son attractivité. Partout en Afrique, ce mouvement s’accélérera d’avantage dans les années à venir.

En guise de conclusion, je pense qu’il est indispensable de concilier entre ces activités, indéniablement créatrices de richesses, et les impératifs propres au développement durable. Le transport maritime, vecteur de la mondialisation et du développement des échanges entre les nations, se trouve ainsi et par essence au cœur de la logique de développement durable.

Le monde a encore besoin de plus de navires pour accompagner le développement des diverses régions dont l’Afrique qui devient une source de premier rang de matières premières. Ces navires et toutes les activités qu’ils engendrent à bord et à terre doivent être opérés dans le strict respect des règles environnementales et sans porter atteinte aux autres richesses des mers africaines qui nourrissent des millions de populations. Si les trois intérêts en présence, économique, social et environnemental, peuvent facilement diverger, des efforts importants doivent être réalisés pour tendre vers leur développement harmonieux et commun. Une responsabilité qui revient aux décideurs Africains garants de ces intérêts pour les générations présentes et les générations futures.

Entreprendre en Developpement Durable

Depuis le sommet onusien de Stockholm en 1972, et bien avant, et en passant par d’autres dates et événements clés, la communauté des êtres humains que nous sommes ne cesse de se poser des questions sur ses choix et sur la trajectoire qu’elle a choisie pour son bien être. Pour symboliser cette longue et profonde réflexion, elle a inventé plusieurs concepts tels que le développement durable dont elle a même arrêtée une définition précise, la responsabilité sociale des entreprises, …etc; et elle a adopté, avec plus ou moins de difficultés, des résolutions et des accords tels que les normes financières, le protocole de Kyoto, ou encore les normes environnementales et sociales,…

Ce mouvement et les débats qui s’en suivent ne sont pas un fait de circonstance, bien moins un simple hasard ou un besoin ponctuel des élites pensantes de notre planète, il s’agit véritablement d’un débat de fond qui s’appuie sur des études socio-économiques et environnementales fondées et appuyés par des indicateurs rationnels et objectifs. Aussi et face à un sujet aussi large impliquant moult intervenants, une profusion de prise de positions, d’études, de productions scientifiques, de pratiques de management a vu le jour et a alimenté un débat qui arrive difficilement à converger vers les maux planétaires évidents et ceci sous le poids des intérêts, souvent contradictoires, des uns et des autres. La communauté humaine qui est, semble t-il, plus enclin à réagir rapidement et parfois efficacement dans l’urgence, a attendu pour réagir la réponse, parfois violente, de la nature et les sonnettes d’alarme sur la croissance démographique, sur la disponibilité des matières premières, des ressources hydriques et énergétiques,..etc. Mais il est honnête de mentionner que seule la composante, instruite et engagée de notre communauté, s’est mise en ordre de bataille et ait prit position., aidée en cela par l’apport précieux des outils de communication capables en quelques secondes de relayer à la fois les grandes réussites de notre communauté ainsi que ses grands échecs.

Ce mouvement naissant et promis à une longue vie interpelle nos pays dits en voie de développement. Nous sommes interpellés car nous tentons aujourd’hui de suivre les mêmes modèles de développement ayant conduit à la situation décrite plus haut. Un phénomène aggravé par la mondialisation qui rend les économies des bons et des moins bons étroitement liées, toutefois la marge de manoeuvre existe bel et bien et je dirai même qu’il s’agit là d’une marge d’offensive. les pays développés essaient aujourd’hui de limiter les industries polluantes et d’installer ces mêmes industries à proximité des sources des matières premières, soit chez nous; les pays développés transfèrent des problèmes sociaux sous le masque de la compétitivité vers nos pays en délocalisant plusieurs activités largement consommatrices de main d’oeuvre, encore une fois chez nous,… etc. Nous ne sommes pas opposés à ce processus mais nous pensons qu’il est anormal que les conditions de sa mise en oeuvre ignorent le retour sur expérience de tout un siècle d’industrialisation de notre planète.

Certains bailleurs de fonds dont les institutions de la banque mondiale ou d’autres banques internationales incluent, depuis quelques années déjà, des critères de durabilité qui ont attrait aux volets économiques, social et environnemental dans leurs décisions de financement (le dernier exemple en date est la centrale solaire de Ouerzazate dont la première phase  sera financée par la banque mondiale) mais cela ne représente qu’une infime part de l’effort que la communauté humaine doit consentir pour arriver à  un engagement honorable vis à vis des enjeux cités plus haut.

Nos pays en voie de « développement », que je met désormais entre guillemets car il est légitime de se poser la question sur la consistance et le teneur du développement que l’on souhaite à nos pays, doivent plus agir et moins subir et doivent innover pour trouver les mécanismes qui leur permettront d’assumer leurs choix. Car après la nature, c’est au tour des humains de remettre en cause les modèles que l’on s’efforce de suivre. La crise actuelle et les printemps, de quelque nationalité qu’ils soient, que nous vivons aujourd’hui, nous ne donnent-ils pas un dernier avertissement pour repenser à long terme nos stratégies de développement?

Si je suis tenté de répondre oui, je dois dire que la situation actuelle avec ses différentes alertes n’est pas porteuse que de contraintes mais elle est porteuse aussi de beaucoup d’opportunités pour nos pays : le monde développé est entrain de revoir ses paradigmes, soyons innovants et apportons des solutions alternatives à nous mêmes et à cette partie de notre communauté qui a entamé, depuis déjà quelques années, son militantisme pour un meilleur futur commun.

 

Omar BENAICHA

Entrepreneur en Développement Durable

 

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